Traversée du Laos en longeant le fleuve du Mékong

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Dans mon précédent article je vous avais laissé au Cambodge. Avec mes problèmes de santé, j’ai pris un peu de retard dans la rédaction des articles… J’ai quitté le Laos il y a quelques jours après plus de 750km de vélo à travers la plaine du Mékong puis les magnifiques montagnes qui séparent le Laos et le Vietnam.

 

Corruption à la frontière

Alors que j’avais pu assez facilement éviter de payer le pot de vin à la frontière Thai/Combodge, les choses sont nettement plus compliquées au passage au Laos. Lorsque l’officier me demande l’équivalent d’1USD pour faire mon visa, je prétends ne pas avoir prévu plus que les 30USD indiqués sur le site officiel du gouvernement. Il met alors mon passeport de côté et se met à jouer sur son superbe Samsung dernière génération.

De mon côté, je patiente. 10 mn passent et je m’aperçois qu’ils sont bien plus coriaces qu’au Cambodge. D’ailleurs, au Cambodge le pot de vin n’était pas officiel. Ils soulevaient discrètement un papier indiquant le montant à payer. Au Laos, c’est clairement placardé « 1USD frais de service ». Je finis donc par céder partiellement et lui montre mon portefeuille que j’avais pris la précaution de vider de ses dollars et lui propose mes restes de monnaies cambodgienne (+ou- 1 USD). Il accepte et me demande d’aller chercher mon passeport tamponné au guichet suivant. Je me déplace donc d’1,50m et surprise : on me demande 2USD supplémentaires pour les frais de tampons. Je répète encore que je n’ai plus de dollars en poche et que j’ai donné mes derniers billets cambodgiens à son collègue. Après un moment, l’officier me répond sans me regarder par un « I dooon’t beliiiieve youuu » traînant. Bref, je réalise qu’il me reste aussi quelques piécettes thailandaises. Je lui  échange contre mon passeport et peux enfin continuer ma route.

Traversé du Mékong 60km avant d’arriver au Laos.

 

Sans argent pendant 3 jours !

Les premiers kilomètres qui suivent la frontière sont désertiques. Pas de ville, pas de village, pas de hameau. Et évidement pas de banque où de distributeurs automatiques. Je n’ai que des dollars en poche (ceux que j’avais caché au garde-frontière) et ne peux rien acheter avec : ni eau, ni nourriture.

Je décide de faire un petit détour en prenant une route qui semblait traverser un village. Il y a bien un village mais pas de banque. Je m’arrête à un temple bouddhiste et suis accueilli pars des enfants/moines novices. Ils me présentent le responsable du temple qui fume sa cigarette assis sur un banc. Un moine fumeur ! Ca ne se serait jamais vu en Thaïlande ou Cambodge !

Lorsque je lui présente tant bien que mal mon problème avec un peu d’anglais et beaucoup de gestes il rit et me dit que je trouverai pas de banque dans la région. Quand je demande si je peux rester dormir, il tire la grimace et part sans répondre.

Je m’apprêtais à repartir mais lorsque les jeunes novices reviennent avec mes bouteilles d’eau remplies je tente ma chance et redemande en mimant si je peux planter ma tente. Avec un grand sourire, du haut de ses 12 ans, le jeune moine m’amène vers un tapis sur lequel il m’indique de poser mes affaires pour y passer la nuit !

Le chef quand à lui ne semblait pas très heureux de ne pas avoir eu le dernier mot mais il n’a pas jugé bon de revenir sur la décision du jeune novice. Il semble que malgré leur jeune âge, les jeunes moines aient une certaine autorité dans la vie religieuse comme dans la vie laïque. J’ai appris plus tard par un professeur qui parlait anglais que j’avais eu beaucoup de chance d’avoir été accepté car les précédents étrangers ont été refusé à la suite d’une mauvaise expérience avec l’un d’entre eux il y a quelques années.

 

Une nuit dans une cabane

Le lendemain, je m’arrête à proximité d’une rivière et demande à des hommes en train de construire un restaurant au bout de leur champ si je peux dormir sur leur terrain. Sans trop comprendre au début, ils tournent autour de mon vélo, puis me remplisse mes bouteilles d’eau avant de me faire goûter un wiskey fait maison. Ils m’indiquent pour la nuit une cabane à quelques mètres de là et dans laquelle je pourrai passer la nuit après m’être lavé dans la rivière.

Je ne partagerai pas la vie d’une famille laotienne ce soir là mais la cabane et le bain dans la rivière semblent être de bonnes alternatives. Je m’installe et dîne grâce à toute la nourriture offerte le matin par les moines. Je me couche vers 21h00 pour me lever le lendemain à 5h00 au lever du soleil mais suis réveillé quelques minutes plus tard pas des militaires venus passer la nuit dans la même cabane. Ils sont visiblement ivres ou sous les effets de l’opium et font tout pour me réveiller en me criant de venir prendre un café, du riz ou fumer des cigarettes. L’un d’entre eux est particulièrement virulent et vient me réveiller toutes les dimi-heures jusqu’à ce qu’il s’endorme vers minuit avant de recommencer le lendemain matin à 4h… Au final j’étais tellement fatigué que ça ne m’a pas trop dérangé…

Halte à Paksé

Après 3 jours de vélo au Laos, je m’arrête à Paksé pour me reposer quelques jours. Je pensait prendre une guesthouse pas chère dans le centre de la ville mais en y allant je passe devant l’église catholique de la ville construite par les français pendant l’époque coloniale. Je m’y arrête et demande s’il serait possible de dormir dans le parc de l’église. Le curée m’accueille avec plaisir dans un français presque parfait et me propose de dormir à l’intérieur du bâtiment et de manger avec eux pour les repas ! Beaucoup plus convivial que la guesthouse et aussi beaucoup plus économique. Nous sommes généralement une quinzaine à manger ensemble. Certains sont séminaristes, religieuses ou simplement laïques qui travaillent pour l’église ou qui sont de passages.

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On discute des activités à faire à Paksé mais il n’y a pas grand chose sur place. L’intérêt touristique est situé sur les hauts plateaux Bolovens à plus de 100km de la ville. On trouve sur ces plateaux des paysages verts et un climat plus frais. Ce sont également sur ces plateaux que pousse l’un des meilleurs et des plus chers cafés au monde. On a également parlé de l’existence compliquée de l’Eglise au Vietnam et des minorités religieuses en générale. Malgré une liberté religieuse garantie depuis 1990 par la Constitution, le bouddhisme et le confusionnisme sont largement privilégiés par le gouvernement en défaveur des autres religions et spiritualités.

La ville n’a pas un grand intérêt. Tout est assez moche… L’avantage c’est que c’est peu touristique et que la vie traditionnelle est bien préservée. Il n’y a que quelques hôtels/resorts qui se concentrent dans une petite zone de la ville.

 

Hébergement à l’église.

 

Marché traditionnel

 

Sur la route

Panne de genoux et d’intestins !

Après 4 jours de pause, je reprends la route en direction de Thakhek situé à 350km plus au nord. Les conditions météorologiques sont bonnes : terrain plat, pas de vent, ciel couvert et pas trop chaud… la journée idéale pour avaler des kilomètres. Malheureusement, j’ai trop forcé et me suis retrouvé le soir même avec une forte douleur au genou gauche. Le lendemain matin, la douleur était toujours présente et j’ai dû me résigner à diviser par deux mon objectif quotidien. Après 4 jours de route, j’atteints péniblement Thakhek où je m’arrête également à l’église où ils acceptent de m’héberger. Je compte m’arrêter deux jours, le temps de récupérer mon genou mais c’était sans compter que je tomberai malade.

J’ai juste pu profiter de ma première matinée de break pour visiter le centre de la ville et me faire inviter à une célébration du nouvel an laotien avant d’être cloué au sol par la fièvre.

C’était toutefois une bonne expérience ! La fête était organisée pour les salariés de l' »Electricité du Laos » et nourriture et boissons sont gratuites et en quantité plus qu’abondante. On danse sur un pas très lent avec une partenaire en tournant en rond. La musique est assez ringarde mais il parait que c’est la musique traditionnelle laotienne et que si on préfère des musiques plus modernes il faut écouter la musique Thaïlandaise. D’ailleurs, 80% des musiques diffusées à la radio laotienne provient de Thaïlande.

 

Reprise de la route et premières montagnes

Après 4 jours d’arrêt, je commence à pouvoir de nouveau manger et à reprendre des forces. Il est temps de repartir car j’ai peu roulé cette semaine. Je me dirige doucement vers la frontière vietnamienne et suis déjà au bout de 10km en train de slalomer entre des pics rocheux. C’est la première fois que vois ce type de paysage depuis que j’ai quitté Bangkok et c’est magnifique. Le plat commençait à être lassant. J’avais repéré sur internet une grotte visitable gratuitement. J’en profite donc pour m’y arrêter. Et quel bonheur ! Alors qu’il fait 42 °c à l’extérieur, il doit faire à peine 25 °c dans la grotte. Avant même d’entrer dans la grotte, on sent l’air frais sortir de la grotte. En entrant, on observe des temples et statues de Bouddhas ainsi que des fanions accrochés au plafond de la grotte. Au fond de la grotte il y a un lac souterrain élcairé naturellement par le soleil grâce à une ouverture juste au dessus. J’ai hésité à me baigner !

Réserve naturelle et belles dénivelés

En route pour le Vietnam j’avais opté pour l’itinéraire qui me faisait passer par la réserve naturelle de Nakai Nam Theun. Ce que je n’avais pas prévu, ce sont les pentes très raides et les montées/descentes incessantes de la région. Le parc est en réalité une région inondée après la construction d’un barrage hydroélectrique (par EDF, Cocorico !).

Le plus dur a été une montée d’environ 6km de long dans laquelle j’ai grimpé 500 mètres de denivelées avec une pente continue et des virages en lacets très raides. Les camions crachaient en première et moi j’étais proche du point mort en train de rendre mes poumons et de suer du goute-à-goute des coudes et du visage.

Le soir j’ai été hébergé par un papy dans un petit village. Je lui ai demandé où je pouvais poser ma tente et il a pointé du doigt sa maison en m’indiquer d’y aller sans même se lever, comme si c’était une évidence. Je m’étais heurté la veille à de nombreux refus pour planter ma tente dans un village avant de me faire courser sur 1km par 5 énormes chiens… L’hospitalité de ce vieil redonne le sourire !

Comme dans tous les villages depuis le Cambodge, les maisons sont sur pilotis et les animaux (cochons, poules, vaches…) vivent sous la maison. Lorsqu’on mange à l’étage, il suffit de faire passer les déchets alimentaires à travers les fentes du parquet pour nourrir les animaux. Pratique ! Seul les déchets plastiques posent problème et sont généralement brûlés chaque soir.

 

Prêt à passer au Vietnam

Le lendemain, après quelques dénivelés supplémentaires, j’atteints le post frontière vers 14h00 mais préfère attendre le lendemain matin pour faire tamponner mon visa à la première heure afin d’avoir mes 15 jours pleins sur le territoire vietnamien. J’avais vu un panneau « Source d’eau chaude » mais impossible de trouver l’accès et personne n’a été capable de comprendre ce que je cherchai. Ce n’est pas très grave, je longe un torrent depuis des dizaine de kilomètres et j’ai bien envie de descendre m’y baigner. Des locaux s’y baignent déjà et célèbrent le nouvel an autour de bières et repas traditionnels. Ils m’invitent à me joindre à eux et m’expliquent que je pourrais dormir au poste frontière car des dortoirs sont prévus pour que les voyageurs puissent passer la nuit sur place. Après les avoir quitté en fin d’après-midi, je grimpe les derniers kilomètres et atteints le poste frontière mais il n’y a absolument rien pour passer la nuit et les gardes me proposent de redescendre tout en bas, d’où je suis partis le matin même, pour passer la nuit… Les fous !

Je redescends quelques centaines de mètres pour manger mais le restaurant est réservé pour le nouvel an… Je tente alors ma chance et demande si je peux mettre ma tente pour passer ma nuit en expliquant que les gardes veulent me faire redescendre la montagne. La restauratrice comprends mon histoire et accepte que je dorme à côté du restaurant !

 

Passage de la frontière vietnamienne à Nam Phao

Le lendemain, je suis prêt à partir mais impossible de retrouver mes gants. Je me rends compte que j’ai dû les perdre la veille au soir entre le restaurant et le poste frontière. Je suis furieux contre moi mais relativise en me disant qu’il y a bien pire comme perdre mon passeport par exemple… Je quitte donc le territoire laotien et fidèle à lui-même, le Laos me demande 1€ en échange du tampon de sortie car c’est le nouvel an laotien… J’arrive au Vietnam et m’apprête à devoir payer des pots de vin mais cette fois rien du tout. Il faut croire que les traditions se perdent !

Je vous raconte mes premiers jours au Vietnam dans le prochain article. J’espère avoir le temps de le faire avant de quitter Hanoi ! A bientôt.IMG_20160413_090201

Suivre Pierre-Ad:

Pierre-Adrien Mongin est un jeune diplômé de Montpellier Business School. Il a décidé de consacrer une année de sa vie pour découvrir le monde et ses habitants à vélo. Parti de Bangkok en février 2016, il a rejoint Paris à vélo ler 1er Avril 2017 ! Un voyage merveilleux au fil des rencontres... Il est maintenant à la recherche d'une mission dans le marketing en tant que chef de produit ou chef de projet marketing digital. Aidez-le à continuer son rêve !

8 Responses

  1. isabelle

    Toujours de très belles photos, sans la chaleur.
    J’espère que ton genou va aller bien maintenant. A Hanoï il y a un hôpital mi viet mi français. peut être l’occasion de de débarrasser d’éventuels parasites ou de discuter de ton genou ?

  2. Waxin maurice

    Merci pour ce nouveau et passionnant recit de ton parcourt.
    Nous suivons avec quelques amis tes aventures.
    Bonne continuation a toi et la route te soit favorable.
    A bientot

  3. Marie-Anne Grandjean

    Bonjour Cher Pierre-Adrien,

    Merci de nous faire profiter de tes aventures. Tes photos sont superbes et tu as l’air en forme malgré tout!

    Nous sommes tout en pensée avec toi et te souhaitons une bonne continuation!

    Bien affectueusement.

    Oncle François & Tante Mimi

    • Pierre-Ad

      Merci tante Mimi !
      Oui tout va bien malgré une bonne perte de poids que j’essaye de combler depuis que je m’en suis rendu compte. Je suis en ce moment à Dali, la météo n’est pas bonne mais j’espère que le beau temps va revenir prochainement pour pouvoir poursuivre au sec!

      A bientôt.

  4. Mongin

    Cher Pierre-Adrien,

    Cette fois-ci, le plein exotisme, tant au point de vue des passages de frontières, que des histoires de visas et de pots de vin, que des paysages, que des autochtones, que le gite et le couvert, … est au rendez-vous.
    Nous espérons, Nané et moi-même, que tu as recouvré la pleine santé (Genou, intestins), que tu sembles nous dire. Les aléas d’un voyage aussi lointain dans des terres inconnues, et des possibilités et des limites humaines. Nous te félicitons de te retrouver à nouveau en forme et de continuer vers la Chine, dans un premier temps.
    Tu nous fais découvrir, dans tes reportages, l’originalité de ces pays, que tu traverses, le côté énigmatique des peuples, que tu rencontres, les civilisations différentes, que tu découvres, avec un sens de l’observation aiguisé, teinté d’un humour certain, avec sans doute un rapport aux aspects spirituels et temporels tout à fait nouveaux pour toi. A moins, qu’avec tes déjà expériences en Asie, tu t’y étais déjà préparé.
    Nous te suivons avec un grand intérêt dans tes coups de pédale toujours, dans tes rencontres, dans la façon de te débrouiller en autonomie complète ou quasi-complète, en utilisant tes facultés d’adaptation certaines pour ces pays, avec un pointe de système empirique et de système D. Tu acquières du vécu et de l’expérience, à ne pas remettre aux calendes grecques ou aux oubliettes de l’Histoire et de ton histoire personnelle. Ce qui nous ravit et nous fait plaisir, c’est, qu’elle est à vivre pour un long moment encore, tellement tu nous donnes des émotions, qui nous procurent de fortes impressions et de grandes sensations. Bravo pour ton courage, ta volonté, ton abnégation, et la qualité de tes « reports ».
    Comme de coutume, nous te joignons la maxime du jour, qui pourrait t’encourager toujours dans le même sens, par rapport à tes choix :

     » La Nature est un temple, où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
    L’homme y passe à travers des forêts et des symboles
    Qui l’observent avec des regards familiers ».

    Charles Baudelaire dans « Correspondances », les Fleurs du mal
    « Pourquoi vouloir être une chose, alors que l’on peut être quelqu’un » ? Phrase de Gustave Flaubert à propos de Charles Baudelaire.

    A très bientôt,
    Et bon passage en Chine, si ce n’est déjà fait…

    Très affectueusement, Cher Pierre-Adrien,
    Nané, et ton Oncle Antoine

  5. Florian Daviau

    Salut Pierre Adrien,

    Je suis un nouvel adepte de ton blog découvert par Facebook, c’est vraiment bien ce que tu fais !
    Bravo aussi pour les articles qui nous font vivre tes aventures au quotidien.

    Au plaisir de boire une bière ensemble à Paris à ton retour !

    Bonne route et à bientôt,
    Florian

    • Pierre-Ad

      Merci Florian! Et au plaisir de se prendre une bière à Paris. La capitale sera l’une des étapes avant l’arrêt définitif à Rennes 😉
      J’espère que tout va bien pour toi et que le business prend progressivement de l’ampleur !
      A bientôt.

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